Récit de course

Vendée Globe 2020/21

EXTRAITS

« Nous ne sommes qu’imprévu, la vie n’est qu’imprévu, alors comment s’y adapter ? Comment y répondre et avec quel état d’esprit ? Comment réussir à vivre le moment présent le plus sincèrement possible. La compétition tente d’y répondre. La course au large est une trajectoire parmi les éléments, on y laisse une trace comme un coup de pinceau ! Comme un artiste peintre, devant sa toile blanche, nous ne savons pas ce que nous allons découvrir, la météo est une inconnue à quelques jours, alors il nous faut composer, improviser, réagir, être attentif et à l’écoute de tous nos sens en éveil. »

 » La régate est lancée, en mode court, marquages, prise d’infos sur les vitesses autour. Déjà le premier front à négocier pour le lendemain, pas si fort que ça, moins de mer que prévu, je décide d’attaquer par le nord, je vire dans les premiers, bille en tête vers l’ouest, ça va vite, le vent monte crescendo, la mer est étonnamment plate, je vole au-dessus des vagues, le bateau comme en apesanteur, au plus fort 35 nœuds de vent (65 km/h), ça se gère bien, dans 1 heure la bascule attendue au Nord-Ouest pour plonger sud.

Je suis dans le match, me suis bien reposé prêt à envoyer la bonne toile derrière le front pour cavaler…

Mais la vie est tout sauf le roman qu’on se choisit, c’est la beauté ou le drame des choses ! Énorme crac, le bateau se redresse, ralentit brusquement, je bondis sur le pont, le J3 est à l’eau, la drisse pendouille. Verdict : hook cassé !

Fin de la partie me dis-je. »

« Mes foils font la gueule je le vois bien ils me regardent de travers ! Chômage partiel ! Avec pour seule indemnité l’horizon à contempler ! C’est pas rien en même temps de profiter de chaque moment, chaque souffle, sentir que l’on vit, que quelque part devant soi il y a la beauté du monde. »

« La lune réapparait, d’abord timide, mais suffisante pour admirer ce long vaisseau voler au-dessus de l’eau, depuis mon poste de veille. La mer à 360°, je contemple ce pont suspendu, des milles et des milles engloutis, des vagues qui viennent mourir sur les flancs, dans un claquement net, un sillage éloquent. L’Occitane trace sa route, fier navire en apesanteur, mi oiseau mi mammifère, si juste à sa place en harmonie avec les éléments. Quel langage parle-t-il avec les habitants de ces grands océans, les invisibles. Dans ses vols tutoyant le ciel, tirant vers le sud, rêvant de voltige rien ne semble freiner l’ardeur de cette fusée. Je tiens les rênes et ressent chaque mouvement, chaque accélération, ponctuation, respiration, pause, puis accélération ; le jeu est captivant, hypnotique, les yeux sur le speedo, les sens en éveil… ça dure et ça dure … guidé par les étoiles ! »