Après s’être échoué à Charleston, côte Est Usa, dans la moiteur du baiou, la fin du calvaire s’est enfin achevé. Liberant Geodis de ce chantier naval au bord du fleuve; dans un décor de Louisiane, très guerre de Sécession, je quittais le 2 juin cette ville au lourd passé colonial dont l’opulence ostentatoire des demeures négrières fait aujourd’hui le bonheur des attrapes-touristes; on musarde sur les quais, là même où des milliers d’esclaves débarquaient menottés et meurtris, quittant l’enfer de la cale pour découvrir l’enfer des plantations. Allez matelot, cap au Nord, le Quebec libre nous attend ! Comme il est bon de revoir son fier navire fendre la lame, glisser sur la vague , porté par une brise thermique bien à propos; le sentir frétiller d’aise, s’ébrouer comme un jeune chien fou …après avoir pansé ses plaies, le voici dans son élement pour nous porter vers d’autres aventures; l’oreille sur le qui vive, ce convoyage n’est pas très reposant, je suis tendu, à l’ecoute de chaque son. Et quand vient le moment d’affronter vent fort et mer hachée, mon estomac se noue.
Mais nous sommes passés, faisant le dos rond, ménageant la monture, nous voici en approche de la Nouvelle Ecosse, le ciel est gris de tistesse, sale depuis ce matin, froid et si peu avenant, semblant nous exhorter de partir… c’est pas un coin pour vous ici allez ouste !Mais ô miracle, à la faveur d’une ronde sur le pont je tombe en pamoison devant une trouée rougeâtre venant défier cette uniformité sordide, le couchant sauve ma journée, l »égaye brutalement et me fait oublier ce froid mordant qui nous giffle à chaque sortie.
Maxime dort, et Martine boude… et moi j’ecris au chaud, enfin pas tant que ça, pas de chauffage à bord malheureusement, pas de porte fermée non plus, des courants d’air oui ça il y en a; des thés brûlants, mais insipides, j’ai la nostalgie passagère d’un thé noir fumé, puissant, transportant palais et esprit bien loin de l’occident; le vent mollit, la mer s’applatit, le moteur tourne mais peine à rechauffer l’atmosphère; mon nez est froid et humide, on attend avec impatience les 3h de quart sous le duvet… le sommeil est si bon depuis seulement ce matin, tout le stress du bateau qui casse est évacué et je dors mieux.
Demain on touchera terre , mais du bout des yeux, comme une confiserie qu’on détaille derriere la vitrine, patience mon enfant, la terre promise est en Gaspesie ! Armel


on a quitté Alger , après avoir rempli nos 80 litres de gazoil, une escale magique, là où personne ne va, il n’y a d’ailleurs rien sur l’ Algérie dans les guides maritimes, pays moribond, délaissé, une guerre pas digérée ? On est rentré dans le port avec un vent du sud, chargé de toute la chaleur accumulée sur le désert, un vent brûlant et poussiéreux, presque suffocant, irrespirable. Apres les formalités douanières zélées mais courtoises, on se dirige vers le port de commerce, immense, errant entre les cargos, remorqueurs et carcasses rouillées à la recherche d’une pompe…Paysage de désolation, sous les regards incrédules de nombreux marins au commerce, un quai sale nous attend, avec 2 jeunes algériens avenants, assez interloqués de voir un voilier de course chez eux. On repart avec nos bidons, sous contrôle du garde côte, inquiet de nous voir reprendre la mer avec ce vent du djebel , sirocco peut-être , qui nous propulse vers la Sicile. C’est la nuit et on est torse nu, il fait 30 °, c’est surréaliste on est bien loin de la Bretagne, ses pulls et cirés !

